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CIRCa – Auch De l’élan de la jeunesse à un cirque réinventé
Patrice Clarac Editions Confluences

Enfant, j’étais passionné par le cirque traditionnel de la famille Bouglione au cirque d’hiver (Paris). Je découvre le cirque actuel en 1999 avec CIRCa.

J’ai rencontré la tribu du cirque en 2001 en recevant dans mon cabinet de Condom un danseur noir américain affuté,de la compagnie Cahin- Caha, pour un lumbago,.

Mes tests révélèrent dans sa posture des contraintes en hyper-extension cervicale. A l’anamnèse, il ne regardait rien en l’air durant le spectacle, ni avait eu de coup du lapin expliquant son schéma postural. Au fil du soin, il me raconta qu’il habitait en Californie, que son frère vivait à New-York à deux blocks des tours jumelles au moment de la tragédie du 11 septembre…puis les 48 heures de black-out sur le territoire américain qu’il avait vécu. Malgré l’évocation des angoisses liées à ces épreuves, rien ne cédait dans son corps.

« -Etes vous allé les voir ?
– Oh ! Yes ! »

Et là, tout se relâcha. J’ai toujours refusé de regarder les images des attentats du 11 septembre par écologie personnelle et éviter de servir la thèse terroriste. Par contre, je les ai vécues dans mes mains. Le soir, je me suis senti couché comme la tour de pise. J’ai du réussir mon traitement, car le lendemain l’imprésario me rappelait pour les autres membres de la compagnie.

Je fus fasciné par l’architecture des tissus de ces corps d’artistes pas comme les autres.

En 2002, je propose donc à l’équipe de CIRCa une assistance ostéopathique bénévole sur le site du festival. Circamainues® était né.

Circamainues® est une métaphore illustrant le concept du corps humain comme une toile de cirque, sous laquelle se déroule un spectacle au quotidien: La vie.

J’ai depuis la chance et le plaisir d’exercer mon métier d’ « Accordeur du corps humain » auprès de circassiens. Au début, ce fut dans une petite tente sans chauffage à la périphérie du village de toiles au parc d’’Endoumengue puis à présent dans l’appartement Zingaro du patio du CIRC.

Le corps d’un artiste de cirque est son outil de travail et son lieu de vie. Je compare parfois ces corps humains singuliers en recherche d’excellence à des Rolls-Royces avec un moteur de Ferrari. Cela demande une extrême minutie pour travailler avec précision sur les points et les lignes de tensions qui sont comme des paroles silencieuses, des paroles de tissus qui me content leurs histoires. Au fil du Che-main, je gomme les empreintes imprimées dans leur corps par la répétition des gestes en fonction des disciplines et des agréés. Cette compréhension est soutenue par une culture générale des disciplines du cirque.

Parfois , je passe dans les coulisses.Je me souviens du retour d’une artiste : « Merci de nous donner la possibilité de créer avec moins de douleurs. « 

CIRCa est le creuset pour de belles rencontres de corps d’artistes.
Voici, comme un inventaire à la Prévert :

*Un funambule venu pour un bilan afin d’optimiser sa verticalité avant son ascension de la cathédrale d’Auch.

*Un cavalier-voltigeur de chez Zingaro pour lombalgie. En début du soin il était plus voltigeur que cavalier. Il semblait être assis à coté de son bassin .A la fin de la consultation, il était redevenu cavalier-voltigeur.

*Un artiste de trampoline dont tous les systèmes amortisseurs étaient tassés comme le coyote d’un dessin animé de Tex Avery qui vient de faire une chute de la falaise. J’ai du les déplier les uns après les autres, comme un accordéon à taille humaine.

*Un acrobate faisant des équilibres sur la tête depuis plus de 20 ans. Tous ses viscères étaient remontés, collés contre le diaphragme. J’ai fait tout redescendre. Je n’avais jamais ni vu, ni fait ça !

*Un des fondateurs de la Compagnie XY sur lequel j’avais très envie de « mettre la main » sur ses tissus depuis plus de 0 ans. J’ai été frappé par l’architecture intérieure de ces disques inter-vertébraux. D’habitude, ils sont plats à ma perception. Là, ils étaient en formes d’ellipses aplatis en leur périphérie par la pression des portées successives. Leurs noyaux étaient saillants et perceptibles en leur centre. D’habitude, je les rencontre saillant et en périphérie signe clinique d’une hernie discale. Le ressenti des noyaux de ses disques vertébraux m’a fait penser à un collier de perles. Quand j’ai mis ma main sur son bassin, il s’y dégageait une telle présence et une telle puissance, dans le savoir-faire du prolongement chez l’autre, que j’ai eu l’impression de me faire aspirer le bras.

Quand je retrouve ces artistes sur scène, j’ai une curieuse sensation : « C’est comme si un peu de moi était sous les projecteurs. C’est tant le trac qu’un grand frisson qui m’envahit. »

Au fil des années, d’autres ostéopathes dont Michèle Larrieu, me rejoindront dans cette aventure.

Depuis, Circamainues® propose des consultations à 4 mains où 2 ostéopathes dialoguent avec le corps d’un circassien. Ce soin singulier et atypique en double écoute permet un travail en profondeur  » comme jamais ». Il accompagne l’artiste vers la restauration de sa dynamique du moment.

Car, ici, on est ailleurs.

Dominique Jacquin -Ostéopathe D.O. Auteur de Circamainues®